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Livre Yankelevitch et l'Ecole Russe du Violon PDF

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Livre Yuri Yankelevitch et l'Ecole Russe du Violon - version PDF

Mon professeur et l’École Russe du Violon
par Alexandre Brussilovsky

J’ai eu beaucoup de chance durant mes études. En effet, le conservatoire Tchaïkovsky de Moscou a connu une période extrêmement florissante dans les années 60-70. Les étudiants du conservatoire de ces années-là ont pu croiser les pianistes Flier, Zak, Oborine, Neuhaus, les violonistes David Oïstrakh, Belenki, Kouznetzov, Leonid Kogan, (qui fut mon professeur durant quelques années après la mort de Yuri Yankelevitch), sans oublier les leçons véritablement “théâtrales” de Mstislav Rostropovitch. Nous assistions presque tous les soirs à un concert où se produisaient Richter, Gilels, Yudina, ou encore le quatuor Borodine, notamment pour les créations des quatuors, des symphonies, des concertos ou encore des œuvres lyriques de Chostakovitch. Il régnait au conservatoire une atmosphère de fête: il s’y produisait sans cesse de nouveaux événements qui alternaient bien sûr avec le quotidien des études, des examens, qui portaient sur la maîtrise de l’instrument, sur l’harmonie, sur l’histoire de la musique, mais aussi sur la sempiternelle histoire du P.C.U.S., sans oublier le passage “forcé” par le service militaire.
Une atmosphère particulière régnait dans les cours de mon professeur Yuri Yankelevitch, qui est sans conteste l’un des représentants les plus importants de l’École russe de violon au XXe siècle, de cette École qui a parcouru un immense chemin depuis les premiers ménétriers, violoneux et baladins des X-XIVe siècles, en passant par l’un des pères-fondateurs de l’École russe de violon, le compositeur et interprète Ivan Khandochkine (1747-1804). Depuis ses brillants successeurs du XIXe siècle tels Nikolaï Afanasieff et Henryk Wieniawski jusqu’aux figures emblématiques du début du XXe siècle comme Stoliarski et Auer, l’École russe de Stoliarski a donné David Oïstrakh, Auer a formé Heifetz, Elman, Milstein et Zimbalist. La classe de Mostras, qui enseignait également au conservatoire de Moscou au début du XXe siècle, s’est prolongée par une autre branche de l’École russe qui a trouvé son plein épanouissement aux États-Unis avec l’École de Galamian. Quant à Yuri Yankelevitch et Leonid Kogan, ils étaient tous deux des élèves d’Abram Yampolsky qui a également engendré toute une pléiade de grands violonistes.
Quel est le secret de l’École russe ? Quels sont ses grands principes ? Quelle est la particularité de l’un de ses sommets, l’École de Yankelevitch, qui a donné au monde toute une série de grands solistes, de musiciens d’orchestre et de chambristes, de professeurs mais aussi de chefs et de compositeurs ?
Il me semble que cette particularité réside en premier lieu dans une approche éminemment scientifique. En effet, Yankelevitch a étudié très précisément la nature de la production du son au violon à travers ses aspects ses différents paramètres physiques: c’est ainsi qu’il a étudié dans les moindres détails les rapports entre le poids et la vitesse de l’archet, l’angle d’attaque par rapport à la corde et l’endroit sur la corde. Il savait expliquer tout ce savoir à ses étudiants, leur fournissant ainsi toute une palette de sons et coups d’archet: mais par-dessus tout, il arrivait toujours à faire chanter le violon, à produire une “cantilène” (chant) même dans les passages les plus virtuoses.
Refusant la nécessité pour le professeur de montrer tel ou tel procédé ou de jouer une phrase musicale afin d’éviter une imitation aveugle de la part de son élève, il montrait bien souvent ce qu’il fallait faire en chantant l’œuvre. Il conseillait aux violonistes de prendre des cours auprès des grands chanteurs et dans le même temps, les élèves chanteurs assistaient a ses cours.
Accordant une importance très grande au doigté et aux coups d’archets en tant que moyen d’expression musicale, il ne les a pour autant jamais élevés au rang de dogme. Il se réjouissait quand un élève trouvait sa propre voie, sa propre solution. Ainsi il aimait à dire: “Joue même avec ton nez si tu y arrives”. Yankelevitch savait détecter une erreur mais aussi expliquer en quoi elle consistait et comment la corriger. Il disait qu’un professeur devait obtenir de son élève le résultat attendu sans tarder, durant le cours. La technique devait toujours être au service de son but principal, l’expression artistique et musicale. Il pensait que le rôle principal du professeur était d’enseigner à l’élève le self-control, la capacité de s’écouter et de travailler de manière autonome. Il était un véritable maître joaillier capable par un simple mot, un seul geste, une image évocatrice, de donner du brio à une interprétation correcte mais sans relief. En grand pédagogue, il savait mettre à jour les forces de l’élève et cacher ses faiblesses. Combien de fois n’a-t-il pas étonné son auditoire en donnant des conseils complètement différents voire même contradictoires à deux élèves travaillant la même oeuvre? Et combien de fois n’a-t-il pas changé de conception au nom du style, de la recherche de la vérité artistique, en abordant de nouveau la même oeuvre ?
Yankelevitch n’aimait pas brusquer la préparation d’un musicien, il ne faisait jamais jouer d’œuvres au-dessus des forces de ses élèves. Il ne le faisait pas pour la publicité: il fallait que les choses arrivent en leur temps. Il établissait les programmes de ses étudiants pour plusieurs années à l’avance, planifiant ainsi la participation aux concours internationaux. Sa sœur, Elena Isaevna, a ainsi retrouvé à sa mort, dans l’un de ses carnets de note, qu’il avait prévu pour moi en 1975 de participer au concours Jacques Thibaud à Paris. Et c’est précisément le concours que je remportai cette année-là. Il en fut ainsi avec de nombreux autres élèves. S’il fallait résumer en une seule phrase la spécificité de l’École de Yankelevitch, la spécificité de l’École russe de cordes en général, je dirais que son secret réside dans un mélange d’intuition, de recherche artistique permanente et de méthode scientifiquement élaborée de la maîtrise des cordes, mise au service de l’expression artistique.
Yankelevitch ne supportait pas la passivité dans l’étude d’une pièce, pour lui, l’étudiant ne devait pas attendre de son professeur toutes les explications quant à sa conception de l’œuvre. Il exigeait toujours dès la première leçon que les œuvres soient préparées et non pas déchiffrées sur place. Il disait : “Ce n’est pas grave si tu fais des erreurs, nous les corrigerons ensemble. Par contre, je ne veux pas que tu viennes en cours sans la moindre idée de ce que tu vas interpréter”.
Yankelevitch estimait qu’un violoniste, maîtrisant même à la perfection la technique, ne pouvait pas devenir un grand artiste s’il n’était pas formé, érudit, ouvert sur la vie de tous les jours et s’il ne s’intéressait pas à ce qui se passait dans d’autres modes d’expression artistiques.
Il a été pour nous tous un professeur au sens le plus large du terme, se souciant non seulement de notre formation violonistique mais aussi s’intéressant à nos problèmes et nous aidant à les résoudre. Il nous a prodigué un amour et une attention véritablement paternels.
Ce livre permet de perpétuer une infime partie de ce que nous a légué Yuri Yankelevitch: il reproduit sa thèse de doctorat, les souvenirs de ses étudiants, des professeurs, assistants et accompagnateurs qui ont travaillé avec lui. De nombreux pans de son héritage doivent encore être étudiés ou attendent d’être publiés. De nouvelles générations d’artistes apparaissent qui prolongent son enseignement et traduisent dans la vie ses principes, perpétuant de par le monde le merveilleux héritage musical de l’École russe du violon.

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